José Darrozes, Directeur de la filière Géosciences Toulouse

AU PLAN SCIENTIFIQUE, INTRATERRA VA NOUS PERMETTRE DE DÉCOUVRIR CE QU’IL Y A SOUS LA COUCHE DE GRANIT !

AU PLAN SCIENTIFIQUE, INTRATERRA VA NOUS PERMETTRE DE DÉCOUVRIR CE QU’IL Y A SOUS LA COUCHE DE GRANIT !

José Darrozes est géologue, Maitre de Conférence à L’Université Paul Sabatier III, Directeur de la filière Géosciences depuis 2015.


Géosciences : Au sein de l’Université Paul Sabatier, la géologie est enseignée dans le master Géologie bien sûr, le master de Sciences de l’environnement et la filière Géosciences de l’école d’ingénieur. Cette dernière est l’une des premières formations en France qui combine l’étude des ressources et risques naturels avec le génie civil pour les ouvrages d’arts, les ponts, les bâtiments et les carrières. Nous accueillons une centaine d’étudiants pour chacune des trois formations et une dizaine de thèses sont publiées par an sur le sujet.

En tant que géologue et professeur, je vois de nombreux intérêts au projet Intraterra.

Il va permettre de creuser des puits de 2,40 mètres de diamètre sur 100 mètres dans le projet pilote de la carrière et 5 kilomètres dans le projet de géothermie profonde.

Étudier des carottes de grand diamètre et descendre dans le puits seront deux moyens inédits d’observer le granit en 3 dimensions.

Jusqu’ici nous estimions les structures profondes du Sidobre par des moyens géophysiques et nous n’avions pas de vision réelle des roches. Quand nous étudions des roches issues de forages pétroliers, les structures remontées à la surface ont des dimensions de quelques dizaines de centimètres de diamètre.

Nous avons des interrogations sur les roches profondes qui affectent la montagne noire, ce que l’on appelle des éclogites, des roches vertes qui témoignent de conditions de formation très spécifiques. On suppose qu’il y en a sous le granit du Sidobre et avec ce type de forage on va pouvoir le vérifier !

Par ailleurs, si la géophysique nous aide à comprendre les structures des couches profondes avec des moyens sismiques ou gravimétriques, cela reste simplifié. Nous avons de nombreuses approximations sur la zone d’interface entre les strates profondes du Sidobre.

Du point de vue de la recherche, cela sera très intéressant de vérifier les variations de densité en profondeur pour comprendre où la géophysique fait des erreurs.

Les roches présentent une porosité naturelle, plus on va en profondeur, plus les pores de la roche sont fermés et sa densité augmente.

La fragilité des structures en surface, que l’on appelle schistosité, change totalement en profondeur. Par exemple les ardoises utilisées pour les toitures pour leur composition fracturée en plans réguliers, vont devenir ductiles du fait de la chaleur lorsqu’elles se retrouvent en profondeur, et leur fragilité va disparaitre.

Intraterra va descendre à 5 kilomètres et dépasser la couche de granit épaisse de 2 kilomètres de profondeur à certains endroits du Sidobre. Étudier de grands affleurements de roches en milieu naturel nous permettra de vraiment bien comprendre ces changements de composition des roches, les propriétés physiques de chaque strate, vérifier les roches présentes, des éclogites ou autres…

Dans le Sidobre la croute terrestre est épaisse de 25 à 30 kilomètres, un puits de 5 kilomètres affleurera juste sa surface !

En France, l’épaisseur de la croute terrestre varie de 30 kilomètres dans les plaines, à 70 km dans les zones de montagnes jeunes. Dans le Sidobre qui est une montagne ancienne, la croute terrestre est de l’ordre de 30 kilomètres, à 5 kilomètres on sera très loin du manteau.

De plus tectoniquement, la zone de la montagne noire et du Sidobre, tout comme le massif central, sont de vielles chaines de montagnes et ne sont pas actives.

Les roches du Sidobre sont déjà anciennes, en surface elles ont 300 millions d’années. En descendant à 5 kilomètres nous aurons accès à des roches encore plus anciennes, probablement de l’ordre de 500 à 700 millions d’années.

Une convention est à l’étude entre l’Université Paul Sabatier III et Intraterra.

L’idée est de permettre à l’Université de suivre l’évolution du forage et de participer aux études géologiques, géophysiques et sismique. Nos équipes des chercheurs ont déjà une expérience professionnelle sur des problématiques identiques. Mais tous ces aspects nous intéressent surtout pour les analyser avec des étudiants chercheurs et thésards.

Il faut savoir qu’il y a peu de moyens de descendre à ces profondeurs et d’observer de grands affleurements. Actuellement la plus profonde au monde est la mine de TauTona en Afrique où on peut descendre à 3 kilomètres de profondeur pour regarder les structures.

Pour les étudiants, ce projet est un moyen de faire des stages de master de recherches appliquées, mais aussi de publier sur des thèmes nouveaux et porteurs. La nouveauté en recherche est très attractive !

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