L’union : Un patron pédale pour le granit bas carbone
À la tête d’une petite chaudronnerie de Toulouse, Philippe Moranne a développé un procédé d’extraction de granit par carottage, une alternative moins nuisible à l’environnement que les carrières à ciel ouvert. Il fait 1 800 kilomètres à vélo pour présenter son projet et lever des fonds.
Par Julien BOUILLE – Journaliste économie
Dans la plupart des cas, la levée de fonds est un sport qui se pratique en intérieur en « pitchant » devant un parterre de potentiels financeurs.
Philippe Moranne préfère pédaler. Il a décidé de parcourir 1 800 kilomètres à vélo de Toulouse à Paris pour présenter son projet innovant d’extraction de granit bas carbone. Le patron d’une petite chaudronnerie industrielle (CTIC) de Toulouse développe depuis quinze ans un procédé d’extraction de granit par carottage.
Son entreprise a construit pour cela une machine brevetée capable de prélever des cylindres d’un diamètre de 2,15 mètres par 2 mètres de profondeur. C’est une alternative moins nuisible à l’environnement que les carrières à ciel ouvert. Dans une exploitation d’une surface de 200 mètres carrés pour 50 mètres de profondeur, Philippe Moranne assure pourvoir extraire autant de roche (14 000 m3) que dans une carrière traditionnelle s’étalant sur une surface de 10 000 mètres carrés. Il n’utilisera pas d’explosifs, pas d’engins consommant de l’énergie fossile mais des machines utilisant, par contrat dédié, de l’électricité d’origine renouvelable. La carrière ne générera par de poussières, ni de boues d’extraction, et sera rebouchée en fin d’exploitation. « Nous ne laissons pas de cicatrice dans le paysage contrairement aux carrières traditionnelles », explique l’entrepreneur.
Tout ceci est a priori conforme à la norme ISO 14001 et a permis la création de la marque Granit Ecoproduit.
Pour mener à bien son projet, l’ingénieur des Arts et Métiers (Bordeaux) de 53 ans a créé la société Intraterra. Elle projette d’exploiter à partir de l’an prochain, une première carrière dans la région de Sidobre (Tarn), l’un des principaux gisements français. Intraterra s’installera dans une carrière existante dont l’arrêté d’exploitation a été modifié. Philippe Moranne estime que son granit bas carbone est compétitif économiquement.
Trois millions d’euros de budget
Le projet d’un budget de 3 millions d’euros a été déjà largement soutenu par Bpifrance, l’Ademe, la région Occitanie, l’UIMM et des banques mais aussi par un fonds de 86 petits actionnaires (géologues, granitiers, foreurs, architectes, comptables, etc.). Il manque environ 500 000 euros pour finir la machine de 17 mètres et la transporter sur site. C’est pourquoi Philippe Moranne parcourt la France à vélo, par étapes de 70 kilomètres par jour en moyenne, et présente son projet au grand public comme à son réseau de gadzarts. Une cagnotte est également en ligne sur la plateforme Okpal.
À terme, Philippe Moranne compte dupliquer son concept. Il travaille aussi à une application dans la géothermie. Intraterra creuserait des puits de 2,40 mètres de diamètre et 5 kilomètres de profondeur où la température atteint 180 degrés, constituant une source d’énergie naturelle et infinie. La géothermie est à l’origine de tout son travail de recherche.
L’ingénieur l’a découverte en 2006 au travers de la centrale de Soultz-sous-Forêt (Bas-Rhin). Faire décoller ce deuxième étage de la fusée Intraterra demandera de la patience et sans doute encore de bons coups de pédales sur les routes de France.