La Tribune : Écologie : Intraterra veut révolutionner l’exploitation des carrières
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Philippe Moranne, ingénieur en arts et métiers, a conçu durant 10 ans une machine innovante pour creuser des puits jusqu’à cinq kilomètres de profondeur, baptisée Intraterra. Inspiré de la géothermie de haute température, le système sera testé dans une carrière environnementale dans le domaine du Sidobre (Massif central) fin 2019. La machine inédite y extraira du granit commercialisable tout en réduisant l’impact sur l’environnement.
« Tout a commencé il y a 10 ans, quand je me suis mis à réfléchir à la géothermie haute température », déclare Philippe Moranne, dirigeant de la PME toulousaine CTIC (1 million d’euros de chiffre d’affaires) et tête pensante derrière le système inédit de forage Intraterra.
Creuser un puits pour capter la chaleur
Alors que les procédés classiques de géothermie (captation de la chaleur des sols pour la transformer en énergie) nécessitent de creuser des forages qui fracturent les roches avec le risque de générer des microséismes, Philippe Moranne mise sur la « smart géothermie ». Objectif : créer un procédé plus écologique (en limitant la pollution des sous-sols, la consommation d’énergie ou en évitant la fracturation des sols) et plus économique (longévité et entretien minime des installations etc).
« J’ai imaginé le concept de la machine en regardant de près le procédé de géothermie haute température dite EGS. Imaginer un dispositif de cogénération (produire simultanément de la chaleur et de l’électricité à partir d’une même source d’énergie) installé au fond d’un puits m’est apparu tellement plus performant et écologique que l’idée ne m’a plus quitté depuis ce jour », raconte Philippe Moranne.
Le fonctionnement de la Smart Géothermie. (Crédits : Intraterra)
Grâce au creusement d’un puits de 2,4 mètres de diamètre, la smart géothermie permettrait de produire de l’électricité renouvelable (jusqu’à 10 MW de puissance installée par puits avec 20% d’électricité et 80% de chaleur).
La machine innovante Intraterra
Phillipe Moranne a conçu une machine qui permet de réaliser des puits de deux à trois mètres de diamètre jusqu’à des profondeurs de plusieurs kilomètres dans la roche, et plus particulièrement dans le granit. Unique (son brevet a été déposé en 2011), cette dernière pèse 20 tonnes pour 2,40 mètres de diamètre. Plus écologique, elle ne fait appel à aucun explosif (contrairement aux pratiques classiques utilisées dans les carrières) et s’apparente à un usinage qui ne fragilise pas la roche, tout en ne nécessitant qu’un faible besoin en eau et énergie.
« Il n’y aura pas de microséisme et nous ne polluerons pas les sous-sols. Il n’y aura aucun bruit et aucune odeur », explique l’ingénieur.
La machine innovante Intraterra. (Crédits : Intraterra)
La particularité de cette machine est de « carotter »( type de forage particulier) la roche et de pouvoir extraire des blocs cylindriques qui seront par la suite transformés dans l’industrie de la pierre ornementale. Pour élaborer le prototype de son innovation, Philippe Moranne a obtenu un budget de 1,5 million d’euros.
Une carrière environnementale
La première application de la machine Intraterra sera réalisée dans une carrière « environnementale » pilote (cinq hectares d’exploitation), alternative aux carrières à ciel ouvert (elle sera encadrée par la norme Iso 14001, destinée à promouvoir et encadrer une démarche de management environnemental). Le nouveau procédé d’extraction sera testé dans le Sidobre (Massif central) fin 2019, sur la carrière d’accueil des Granit de Sept Faux.
« Au lieu de faire une carrière horizontale, nous allons faire une carrière verticale et réduire d’au moins 50% notre emprise au sol, puis nous reboucherons la cavité. L’intérêt est de pouvoir sortir un bloc que nous allons valoriser. Ainsi, nous pourrons commercialiser le granit du Sidobre », argumente le numéro un d’Intraterra.
L’équipe du projet Intraterra prévoit de creuser une cavité de 200m2 et 50 mètres de profondeur qui devrait permettre d’extraire autant de granit qu’une carrière dans le modèle actuel (l’objectif étant d’extraire 8 000 m3 de granit par an pour un chiffre d’affaires d’1,5 million d’euros sur quatre ans). Une cavité que Philippe Moranne assure reboucher à 100% avec des déchets de granit, de boues de sciage de granit du pilote et de la carrière d’accueil (afin de neutraliser l’impact sur le relief).
Le fonctionnement de la carrière environnementale Intraterra. (Crédits : Intraterra)
La phase pilote de la carrière se déroulera entre 2019 et 2023 pour un budget de deux millions d’euros. Par ailleurs, grâce à la campagne de soutien Granity lancée en mai 2019, Philippe Moranne et son équipe espèrent récolter 500 000 euros supplémentaires.
Pour 2025, le dirigeant d’Intraterra pour objectif d’avoir cinq carotteuses en service mais également de créer dix emplois (cinq pur le pilotage de la machine, trois chaudronniers et deux techniciens de bureau d’étude), le tout en gérant un chiffre d’affaires de six à huit millions d’euros. À terme, le dirigeant souhaiterait vendre son processus aux carriers.